Note d’intention
Quand le fils de Daniel est mort, ce dernier jouait le rôle de Phoenix dans
Andromaque.
Sans jamais que l’on sache s’il pleurait pour son personnage ou pour lui ou un peu des deux.
Jouer le rôle de sa vie est une expression malheureusement
circonscrite à des considérations de carrière. À ces acteurs de bonne
foi que j’ai conviés, je propose de faire leur travail comme jamais en
se demandant si la répétition fait de nous des personnages, si notre
pratique a encore à voir avec du théâtre et s’il est légitime de gagner
de l’argent sur le dos de nos enfants.
En somme, il est inutile de faire croire que vous êtes triste quand
vous êtes triste. C’est donc la question de l’acteur que nous allons
poser. Il nous faudra évoluer sur un fil à la limite de l’obscénité, de
la pudeur avec la délicatesse pour boussole.
Après des heures d’entretiens, de témoignages, de collectes de
matériaux hétérogènes (sms, e-mails, interviews, documents
administratifs) nous allons restituer la chronique de 2 morts annoncées.
Daniel à 61 ans, il est grand et bedonnant, acteur en fin de carrière.
Fanny à 37 ans, elle est petite et filiforme, actrice qui multiplie les projets.
Le fils de Daniel s’est donné la mort à 25 ans.
La fille de Fanny a disparu à 5 ans.
Tout semble les opposer mais fondamentalement tout les réunit.
Ils n’avaient en commun que le hasard de participer à une même
création théâtrale, ils sont dorénavant liés à vie de façon souterraine.
À travers une cartographie émouvante, nous allons éprouver des
modalités de culture de la perte pour nous livrer à la rédaction d’un
petit guide du vivre à l’usage des vivants.
Mon petit mot
Le théâtre olympia ouvre les portes de sa salle de répétition, pour présenter "C'est la vie", nouveau projet du collectif Zirlib.
Ce sont toujours des instants à part, cette première rencontre avec un spectacle pas encore tout à fait abouti, quelles seront encore les évolutions, quel sera son devenir... beaucoup de curiosité en poussant la porte!
Ici la rencontre est choc.
Un thème particulièrement douloureux : un homme et une femme ayant chacun perdu un enfant dans des circonstances tragiques. Particulièrement dérangeant aussi, puisque les deux comédiens ont vécu cette tragédie.
Et c'est là que le théâtre commence, avec une réflexion sur le "métier" d'acteur, le fameux "rôle de sa vie" et autres petites phrases qui prennent un sens terrible.
Où est la fiction, où est la réalité, où est-elle déformée?
Passer du réel à l'universel, du pathos à la poésie... le pouvoir des mots... leur manque aussi... des émotions et des états qu'ils ne pourront jamais transcrire.
La construction est habile, entre passage vidéos, textes projetés ou épais livret à l'intention du spectateur, du documentaire au spectacle, on oscille en permanence entre grosse boule d'émotion et vrai rire (et oui, de vrais passages drôles, dans les adresses écrites au spectateur en particulier, heureusement, il faut une soupape!) .
Cela m'a fait penser d'ailleurs au bouleversant livre de Sophie Daull, où le rire n'était jamais loin des larmes: