Un monde à portée de main Maylis de Kerangal

photo Lascaux IV
Je fais partie des lecteurs qui avaient été totalement séduits - bouleversés par son Réparer les vivants

et son adaptation au théâtre : Réparer les vivants théâtre

J'avais ensuite lu :
A ce stade de la nuit qui m'avait moins emballée mais dans lequel j'avais apprécié toujours la plume de l'auteure, j'étais donc très curieuse de découvrir son nouvel opus!

Pari totalement réussi !

Cette fois, Maylis de Kerangal nous entraîne dans l'univers de la peinture, non pas celle des "artistes" célèbres, créateurs, exposés, mais des "copistes" (on verra plus tard que les mots ne sont pas toujours les bons...) , peintres de décor, du trompe-l'oeil, de l'illusion...

Nous allons suivre les débuts de 3 jeunes peintres, depuis l'école où ils se sont formés aux prémices d'une carrière plus ou moins prestigieuse, entre la peinture d'un marbre plus vrai que nature pour un hall d'immeuble ou une villa italienne, le ciel d'une chambre d'enfant, le décor d'une pizzeria, avant de passer aux décors de théâtre, de cinéma dans un Cinecitta en perte de vitesse et à l’apothéose du chantier de Lascaux IV.

Artiste-copiste... comme le font ces jeunes, à nous de nous interroger sur le statut de la création, de la transmission du patrimoine, de l’œuvre d'art et de la place de l'artiste... qu'il soit peintre ou romancier...

La première moitié relève du vrai coup de coeur, lue d'une traite, happée totalement par le parcours de la jeune Paula et de ses amis Jonas et Kate, au sein de leur école de Bruxelles. (ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas aimé la suite, mais une préférence pour cette partie!)

Leurs nuits à peindre, leur entrée progressive dans la vie d'adulte, le rapport aux parents qui change, la vie en colocation, les relations entre eux qui se troublent, Paula qui sort peu à peu de sa chrysalide, les souvenirs d'enfance qui remontent au fur et à mesure qu'elle plonge en elle pour mieux se construire, son ouverture aux autres, au monde...  j'ai retrouvé avec bonheur la langue de Maylis de Kerangal, entre urgence et poésie.
Moi qui ai tendance à lire en diagonale les descriptions, je me suis délectée comme Paula du vocabulaire de la peinture, des nuances de couleurs, du lexique du bois, du marbre...

 "Elle engrange les mots tels un trésor de guerre, tel un vivier".

Une fois son envol pris, je me suis finalement un peu détachée du personnage, mais cette immersion dans la peinture est une lecture qui me laissera un excellent souvenir et que je ne peux que vous conseiller!

Et promis, la prochaine fois que je me trouverai face à un trompe l'oeil en peinture, j'aurai une pensée très forte pour l'artiste qui l'aura réalisé. Et je guetterai un petit signe permettant de comprendre la supercherie et d'admirer le talent du peintre...

Bref, merci à tous les créateurs, peintres, romanciers,  et j'en passe, de nous mettre ainsi " à portée de main", des mondes qui nous seraient autrement inaccessibles!



Quelques photos de  l'Institut Superieur De Peinture Van Der Kelen-Logelain 
qui a servi de source d'inspiration pour l'école de formation de Paula:





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