En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français,
entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un
confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son
temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre
cents coups.
Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se
disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement
malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se
séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le
quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit,
l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se
découvrir métis, Tutsi, Français…
Gaël Faye est né en 1982 au Burundi d'une mère rwandaise et d'un père français.
En 1995, après le déclenchement de la guerre civile et le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, il arrive en France. Pili Pili sur un croissant au beurre, le premier album solo de Gaël Faye, sort en 2013.
« J’ai écrit ce roman pour faire
surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme
des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues,
les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes
l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations
futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours
d’orages... J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons
existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous
avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d'être
expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de
réfugiés, d’immigrés, de migrants. »
Avec un rare sens du romanesque,
Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris
dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un
drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur
exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et
d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.
Mon petit mot
Gaël Faye a choisi la voix d'un petit garçon, un narrateur d'une dizaine d'années, pour raconter le Burundi, en particulier celui de ces premières années d'enfance, de cette innocence qu'il aimerait tant conserver, de ce paradis à jamais perdu. « Je pensais être
exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j'ai compris
que je l'étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel
encore. »
Le Burundi d'avant, l'insouciance des enfants, la bande de garçons jouant dans l'impasse où ils résident, un monde de privilèges, de fêtes, de mangues et de crocodiles, de la carte postale du lac Tanganyika, mais où l'on entrevoit déjà des rapports compliqués entre colons et Africains, expatriés, réfugiés et natifs. Avec la France aussi, à travers la correspondance, parfois maladroite, avec une école française.
Celui de la guerre ensuite, lointaine d'abord, au Rwanda, de l'autre côté de la frontière, et qui peu à peu étend ses tentacules jusqu'à leur impasse et leur famille. Les coups d'états , les massacres, les exactions. Un enfant qui tente d'y échapper, dans les livres en particulier, mais qui finira par être rattrapé lui aussi par la violence. Quand la peur naît.
Et le Burundi d'après. L'évacuation en France, la banlieue parisienne... et enfin le retour au pays.
Un drame en trois temps, qui s'articule autour de la quête identitaire du petit Gabriel, qui se choisit d'ailleurs le nom de Gaby. Tout commence pour lui par la séparation de ses parents, puis la prise de conscience de cette identité trouble, tutsi, métis, français, pas vraiment d'ici, pas vraiment d'ailleurs, avant les ravages de la guerre.
Gaël Faye, en quelques pages, réussit à faire renaître ce "Petit pays" qu'est le Burundi et que les lecteurs n'oublieront pas. Et si le sujet est dramatique, l'écriture, grâce au regard de l'enfant, reste poétique et lumineuse.
Une nouvelle belle découverte de ces 68 premières fois!
Et un artiste à suivre, dans la musique comme l'écriture!