08/2016
Seuil
Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais a été enlevée
à 50 mètres de chez elle, avant d’être poignardée et étranglée. Il a
fallu des semaines pour retrouver son corps. Elle avait 18 ans.
Ce
fait divers s’est transformé en affaire d’État : Nicolas Sarkozy, alors
président de la République, a reproché aux juges de ne pas avoir assuré
le suivi du « présumé coupable », précipitant 8 000 magistrats dans la
rue.
Ivan Jablonka a rencontré les proches de la jeune fille et
les acteurs de l’enquête, avant d’assister au procès du meurtrier en
2015. Il a étudié le fait divers comme un objet d’histoire, et la vie de
Laëtitia comme un fait social. Car, dès sa plus jeune enfance, Laëtitia
a été maltraitée, accoutumée à vivre dans la peur, et ce parcours de
violences éclaire à la fois sa fin tragique et notre société tout
entière : un monde où les femmes se font harceler, frapper, violer,
tuer.
Mon petit mot
Un fait d'hiver dont on se souvient tous. Le visage d'une jeune fille sur un avis de recherche, à l'ouverture d'un journal télévisé...
Mais qui était-elle réellement? En quoi ce meurtre peut-il devenir l'objet d'une étude historique et sociologique?
C'est tout l'enjeu de ce livre, qui en dressant la biographie de Laëtitia, en reconstituant minutieusement sa dernière journée tragique, en révélant les coulisses du procès, la politique qui s’immisce dans le judiciaire et autres récupérations, brosse un portrait de la société qui fait froid dans le dos.
Des violences familiales au suivi autour de l'enfance en danger, de l'inceste au viol, de l’alcool à la drogue, des foyers aux familles d'accueil, du suivi (ou non) des sortants de prison pour les autres, l'enquête touche à de nombreux domaines.
A la fois œuvre de mémoire pour la victime et étude sociologique de cette France péri-urbaine dont on parle finalement peu, l'essai se lit comme un roman . Il dérange parfois, on pense à sa réception chez l'entourage de la jeune fille, au décalage entre le profil de l'auteur et de ceux dont il parle, mais il donne envie de se battre. Pour les enfants. Pour les femmes. Pour la société.
Merci à Dialogues et à l'éditeur pour cette lecture instructive !
Libellés : littérature