Fayard, 19 / 08 / 2015
De la guerre, de la déportation et de la mort de ses proches, Boris, le
grand-père de la narratrice, n’a jamais parlé. Autour de lui chacun
savait, mais, dans l’appartement du 30, rue de Leningrad, que tout le
monde appelait « le 30 », le sujet n’était jamais évoqué.
Et puis
Boris est mort. La jeune femme a vécu un moment au 30, en attendant que
l’appartement soit vendu, elle avait vingt ans, et elle a cédé à une
bibliothèque les livres en russe et en yiddish de son grand-père. Plus
personne ne parlait ces langues dans la famille.
Ce n’est que dix ans
plus tard, au moment de devenir mère, que s’est imposé à elle le besoin
de combler ce vide et de reprendre le récit familial là où il avait été
interrompu. Moins pour reconstituer le drame que pour réinventer des
vies. Retrouver les rues de Paris autrefois populaires où vivaient Rosa,
la sœur de Boris, avec sa fille Lena, déportées en 1942 ; voir ce
village lointain d’où son grand-père était parti pour se créer un avenir
qu’il espérait meilleur ; entendre couler cette rivière d’Ukraine sur
laquelle, enfant, il patinait l’hiver. Comprendre où ils vécurent et
furent assassinés.
Alors elle cherche, fouille, interroge, voyage,
croisant la mort à chaque pas dans son étrange entreprise de rendre la
vie à ces spectres. C’est une quête insensée, perdue d’avance, mais
fondamentale : celle d’une identité paradoxale qu’il lui faut affirmer.
Mon petit mot
Une enquête familiale, intime?.. et universelle.
D'où vient-on?
Quand l'Histoire avec un grand H s'en mêle de façon tragique, les questions d'identité, d'appartenance à une religion, une nationalité, une lignée, prennent tout leur sens.
Un livre coup de coeur pour moi, bouleversant.
Redonner vie, faire exister cette petite Lena à la courte vie tragique, du Vel d'hiv à Beaune-la-Rolande et Auschwitz. 2 ans. Une photo. D'infimes souvenirs retrouvés, mais si importants pour lui redonner sa place dans l'histoire familiale et dans l'histoire tout court. "La petite patate"... les lecteurs ne l'oublieront pas, c'est certain.
C'est aussi l'histoire des communautés juives d'Ukraine, des terribles massacres et du silence qui les entourent toujours.
Une page méconnue pour moi dans la tragédie de cette seconde guerre mondiale, et pourtant... n'oublions pas les massacres de Loutsk et d'ailleurs.
Et une mention spéciale pour la couverture, avec ce profil se détachant sous la femme assise... bref, une quête identitaire et historique dans laquelle je vous invite à plonger.
c'est aussi l'occasion de découvrir l'oeuvre de Serge Lask, autour de l'écriture yiddish
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