Les heures silencieuses, Gaëlle Josse

Les heures silencieuses, Gaëlle Josse

Présentation de l'éditeur
"À l'heure où mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout. Je garde l'espoir, naïf peut-être, qu'un tel aveu sera comme l'amputation d'un membre inguérissable qui, pour douloureuse qu'elle soit, permet de sauver le reste du corps."

Tout paraît à sa juste place dans la vie de Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Rigoureuse, maîtresse d'elle-même, elle aurait pu succéder à son père. Mais le commerce est réservé aux hommes. Sa place est au foyer. Magdalena doit se limiter à cet espace intérieur, où elle a souhaité se faire représenter à son épinette, de dos. Un décor à secrets, que son journal intime dévoile. Déceptions, souvenirs, drames familiaux, mais aussi joies, et désirs interdits...
Dans le silence de l'heure, derrière le précaire rempart de l'ordre et de la mesure, Magdalena transcrit les vacillements de son coeur, explorant les replis les plus secrets de l'âme.

Le début
À Delft, le 12 de ce mois de novembre 1667

Je m'appelle Magdalena Van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis Van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père.
J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l'Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu.
Pour oiseaux, nous n'avons que corbeaux et corneilles, ils sont les seuls à se plaire par ce temps. Leur cri me glace et il me tarde de revoir sur les bords du canal cette couleur tendre de vert mêlé de jaune, celle des premières feuilles du printemps. La traversée de l'hiver demande patience. Ce n'est qu'une saison à passer, mais je remarque, et chaque année davantage, combien l'angoisse m'étreint, sitôt disparue l'ardeur des rouges et des ors de nos mois d'automne. Cet aveu m'apaise, car nous abritons en nous quantité de souvenirs et de réflexions ; il ne se trouve personne pour les entendre, et le coeur s'étouffe à les contenir.

Mon petit mot:
Une lecture prévue depuis longtemps, l'occasion s'est enfin présentée!

Un roman choisi pour son rapport à l'art, puisque, un peu comme dans La jeune fille à la perle, c'est un tableau qui est le point de départ du roman :

Emanuel de Witte
Alkmaar vers 1617 – Amsterdam 1692
Intérieur avec une femme jouant du virginal
Vers 1660-1667
Huile sur toile
97,5 x 109,7 cm

Détails des trois personnages (plus le chien). 

J'ai beaucoup aimé cette plongée dans ce tableau et dans la vie racontée par l'héroïne. A petites touches picturales, un beau portrait de femme se dessine, une femme qui aurait préféré avoir des activités d'homme, son rapport aux hommes justement, et tout ce quotidien bien dépeint.
Du commerce maritime à la vie familiale de l'époque, à la musique («Musicae laetitiae comes medicina dolorum» : « la musique est la compagne de la joie et un baume contre la douleur ».) entre épinette et chant,  un petit roman lu d'une traite, et j'avoue en le refermant, j'aurais aimé qu'il continue encore, pas pressée de quitter cet univers!
Il donne également envie de se replonger dans la peinture de l'époque, en particulier avec La leçon de musique, peint par l'artiste peintre Jan Vermeer en 1664, où l'on retrouve la fameuse inscription «Musicae laetitiae comes medicina dolorum»




Une lecture qui entre dans le cadre de trois challenges:
Bon week-end à toutes et tous!

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