Ce livre n’est pas un mode
d’emploi des films de Michael Haneke. Fruit de cinquante heures
d’entretien échelonnées sur deux années entre Paris et Vienne, ce livre,
illustré d’une centaine de photos rares ou inédites, permet au
réalisateur de
Funny Games et du
Ruban blanc d’exprimer sa conception du septième art et sa perception du monde contemporain.
Face à Michel Cieutat et Philippe Rouyer, deux critiques de la revue de cinéma
Positif,
Michael Haneke revient sur ses années de jeunesse et ses mises en scène
au théâtre avant d’évoquer, film par film, son travail à la télévision
et au cinéma, de ses débuts en 1974 jusqu’à
Amour qui sortira en salles cet automne.
Au
gré d’échanges libres et passionnés, anecdotes, récits et secrets sur
l’art de faire un film se succèdent pour dégager l’image d’un créateur
singulier, perfectionniste et plein d’humour. Voici le livre attendu par
les cinéphiles sur ce grand cinéaste qu’est Michael Haneke.
Onze longs métrages, avec des interprètes mondialement connus comme
Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Daniel Auteuil, Jean-Louis
Trintignant, Ulrich Mühe ou Naomi Watts. Une nuée de prix et de
récompenses internationales, dont deux Palmes d'or obtenues à Cannes,
une en 2009 pour Le Ruban blanc et l'autre en 2012 pour Amour. Et
pourtant, ce livre est le premier, en français, consacré à l'oeuvre du
réalisateur autrichien Michael Haneke.
Mon petit mot:
Un gros livre, des photos en noir et blanc, cela pourrait "faire peur" aux non spécialistes du cinéma, et bien, non, pas du tout! Une écriture enlevée, d'anecdotes en anecdotes, les pages se tournent, et l'on arrive au bout bien plus vite que prévu, et sans difficulté, même si comme moi vous ne maitrisez pas vraiment le vocabulaire technique spécifique au grand écran, cela ne pose pas de problème. On plonge dans les coulisses du cinéma, les tournages, et forcément on ne lit pas de la même façon les chapitres correspondant aux films que l'on a vu et les autres.
J'ai lu la première partie presque comme un roman, je ne connaissais pas les téléfilms en question, le récit est enlevé, de l'humour, des anecdotes qui accrochent le lecteur même si l'on ne connaît pas les films évoqués. Un livre que j'ai lu d'ailleurs en cherchant régulièrement sur le web des extraits vidéos , on a envie de mettre des images, du mouvement parfois pour mieux comprendre.
Et puis ensuite, l'on passe aux films plus connus, et là, on découvre l'envers du décor, le tournage des scènes de violence, de sexe, mais aussi "l'arrière-boutique", du choix des acteurs au montage, à la direction d'acteurs, aux éclairages et décors, la musique, de l'adaptation d'un roman au cinéma, ou encore de la façon dont Annie Girardot , souffrant déjà de la maladie d'Alzheimer parvenait au bout des tournages...
L'évocation également de son incursion à l'opéra avec la mise en scène de Don Giovanni, en attendant son Cosi fan tutte à Madrid cette année.
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Donna Elvira : Mireille Delunsch |
On découvre aussi quelques pans biographiques de la vie d'Haneke, ses débuts au théâtre, mais aussi des références, ses réflexions,ses propres critiques sur certains passages de ces films au résultat ne correspondant par à ses attentes, bref, il ne s'agit bien pas d'une explication de ses films, mais un bon moyen d'entrer dans cet univers particulier, et cela donne envie de voir ou de revoir certains films, d'un autre oeil, en étant plus attentif à certains détails évoqués dans ce livre.
Pour
la première fois, Haneke évoque son enfance, son adolescence révoltée,
ses parents, son parcours, ses échecs et se livre comme jamais. Chose
surprenante lorsque l'on sait à quel point le cinéaste pudique, déteste
l'épanchement comme le sentimentalisme. La bonne nouvelle, c'est que
Rouyer et Cieutat ne sont jamais complaisants, toujours à la bonne
distance, fans mais pas dupes, dans la volonté de communiquer leur
passion pour l'artiste en invitant le lecteur à déchiffrer autrement le
cinéma de Haneke, trop souvent et bêtement assimilé à du sadomasochisme
en bobine.
Et quel éclairage ! Le livre
détaille tous les films de Haneke sans en déflorer les mystères (non, on
ne saura pas ce que cache la fin de "Caché") et préfère avec une
franchise inouïe relater des événements forts - toute la partie sur "La
pianiste" est un régal, à commencer par les conflits avec Jeanne Moreau
initialement prévue dans le rôle de la mère possessive. Plus
généralement, le livre, moins didactique que ludique et accessible,
fourmille d'anecdotes passionnantes et promet de captiver les fans et
les profanes, ceux qui adorent ce cinéma rugueux comme ceux qui veulent
le connaître. Beau travail, oui.