Bérénice 34-44 Isabelle Stibbe

Bérénice 34-44 par Isabelle Stibbe, Serge Safran éditeur, 3 janvier 2013

Présentation de l'éditeur:

1934. Bérénice Capel, une adolescente juive, réussit le concours d’entrée au Conservatoire, contre la volonté paternelle. Rompant avec sa famille, la jeune fille au prénom prédestiné entame sa formation théâtrale dans la classe de Louis Jouvet grâce à l’aide de madame de Lignières, qui lui offre son nom. Bérénice de Lignières est douée, travailleuse, passionnée. Sa vie est désormais rythmée par l’apprentissage des plus grands rôles du répertoire, elle croise Édouard Bourdet, Véra Korène, Jean Gabin, Jacques Copeau, Jean-Louis Barrault. En 1937, elle est admise à la Comédie-Française.
La montée du fascisme en Europe, les tensions politiques en France, les rivalités professionnelles, les intrigues amoureuses, rien n’entache le bonheur de Bérénice qui devient rapidement une comédienne de renom. Au tout début de l’Occupation, avant même la promulgation des lois raciales, la Maison de Molière exclut les Juifs de sa troupe. La belle et brillante sociétaire est rattrapée par son passé. Continuera-t-elle à cacher sa véritable identité, au risque de se perdre ? Va-t-elle rejoindre alors le compositeur Nathan Adelman pour une nouvelle vie en Amérique ?
Bérénice 34-44 premier roman d’une impressionnante maturité, nous plonge dans les ors, arcanes et velours de la Comédie-Française et dans cette période trouble de l’histoire à travers le prisme d’un destin exceptionnel. Une trajectoire artistique captivante qui rend justice ainsi aux destins brisés par la folie meurtrière de la Seconde Guerre mondiale. Isabelle Stibbe est née à Paris en 1974. Après des débuts dans le droit international, elle est responsable des publications à la Comédie-Française puis au Grand Palais, critique d’opéra... Actuellement secrétaire générale de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, elle enseigne également à l’Institut d’études théâtrales de l’Université Paris-III.Bérénice 34-44 est son premier roman.


Le début de Bérénice 34-44


Elle ne racontera pas les regards entendus, les sourires de connivence. «Il n'y a pas de hasard», «C'était forcé», autant de formules attrapées au vol des centaines de fois, inaugurant la légende familiale selon laquelle l'appel du théâtre, qui fondit sur elle à six ans et qui dès lors ne la quitta plus, surgit de son prénom : Bérénice. Une seule personne osait se démarquer, par conviction, dérision ou plus sûrement par goût de jouer les esprits forts : «Heureusement que vous ne l'avez pas appelée Sapho, elle aurait été lesbienne», ironisait sa grand-mère Mathilde, qui avait des lettres et la plaisanterie facile, introduisant parfois une variante : «Vous croyez que si vous l'aviez appelée Isabelle, elle serait devenue catholique ?» L'allusion à Isabelle la catholique, reine maudite, chasseuse de Juifs en terre espagnole, était assurée de déchaîner les foudres de l'assemblée, catholique, dans la hiérarchie des valeurs de la famille Capel, étant presque plus répréhensible que lesbienne. Mais ce ne fut ni Sapho ni Isabelle, ce fut Bérénice, Gott zu dank, Dieu merci - enfin presque.

Mon avis:
Dès le départ, les choses sont claires, la fin sera tragique. Bérénice 34-44 comme la Bérénice de Racine est bien une tragédie, c'est en 1944 que l'histoire s'arrêtera.  Reste à savoir comment.
Deux parties dans ce roman, le théâtre d'abord, l'entrée au conservatoire, Jouvet, la comédie française, le fonctionnement de cette institution, des comités aux emplois, des ascenseurs interdits à certains, aux habilleuses.... Et puis la guerre, l'exclusion, la résistance, l'Armée juive. La déportation.
Deux étapes, autour d'un personnage féminin fort, autour duquel se croisent personnages de fiction et acteurs bien réels, choix d'écriture qui fait l'intérêt de ce roman (même si parfois on s'y perd un peu et l'on se surprend à taper un nom dans un moteur de recherche pour vérifier qui a existé pour de bon! L'entrée dans la lecture a été de ce point de vue-là un peu difficile pour moi, comme le passage d'un personnage à un autre dans les premiers chapitres, avant d'être happée par la deuxième partie).
Une page noire de la Comédie française, de trahisons en opportunisme, de rivalités en lâchetés. S'y croire protégée, à l'abri du reste du monde, l'art et la culture comme bouclier face à la barbarie...
On croise Louis Jouvet, Jean Vilar, Véra Korène, Béatrice Bretty, Marie Bell Jean Gabin, Jean-Louis Barrault et tant d'autres figures du monde du théâtre, on plonge dans une ambiance, dans des ambiances plutôt, des cabarets de l'avant-guerre, du conservatoire d'art dramatique, de la comédie-française, de l'armée juive, toutes bien dessinées.
Véra Korène

Ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette lecture également, c'est qu'elle donne envie d'aller plus loin. On a envie d'écouter Kurt Weill, de se plonger dans l'histoire de la Comédie Française, dans celle de l'aventure du Massilia, de relire Bérénice et autres pièces de théâtre évoquées , de revoir l'Ange bleu, et surtout Entrée des artistes avec Louis Jouvet, film évoqué au début du roman, pour la scène du concours d'entrée au conservatoire d'art dramatique en particulier, ou pour les difficultés de l'héroïne à faire comprendre sa vocation théâtrale à son entourage.
Bref, les amateurs de théâtre y trouveront leur compte, les amateurs d'Histoire également!



Pour prolonger la lecture :
Entrée des artistes
Réalisateur : Marc Allégret
Acteurs : Louis Jouvet (Le professeur Lambertin), Claude Dauphin (François Polti), Odette Joyeux (Cécilia), Janine Darcey (Isabelle), André Brunot (Monsieur Grenaison), Robert Pizani (Jérôme), Madeleine Lambert (Élisabeth), Roger Blin (Dominique), Mady Made (Denise), Bernard Blier
Genre : Comédie dramatique
Durée : 01h39min
Date de sortie : 10 octobre 1938
Le concours d'entrée au conservatoire d'art dramatique
Pour la scène de la blanchisserie en particulier

 Véra Korène

extraits de la biographie de Véra Korène;
Véra Korène est née Rébecca Véra Koretsky le 17 juillet 1901 à Backmouth en Russie dans une famille juive. Après l'immigration de sa famille à Paris, elle suit des cours d'art dramatique au Conservatoire où elle est l'élève de Firmin Gémier. Elle travaille pour payer ses cours ; elle est successivement collaboratrice d'un antiquaire parisien, puis journaliste à l'Europe Nouvelle, le journal créé et dirigé par Louise Weiss.
Au début de sa carrière d'actrice, Véra Korène joue à l'Odéon et dans les théâtres des Boulevards puis entre à la Comédie-Française dont elle devient sociétaire en 1936. Parallèlement, elle débute dès 1933 au cinéma . On la voit notamment dans Deuxième bureau et Au service du Tsar de Billon en 1936, dans La danseuse rouge de Jean Paul Paulin en 1937 et dans Café Paris de Georges Lacombe en 1938.
La guerre va interrompre sa carrière cinématographique. Déchue de la nationalité française par les lois de Vichy, Véra Koretsky doit quitter la Comédie Française en 1940, (tout comme René Alexandre et Jean Yonnel, personnages que l'on retrouve tous les 3 dans le roman d'Isabelle Stibbe). Elle se réfugie au Canada, puis partage son exil entre Hollywood et le Brésil. De retour en France, elle est réintégrée à la Comédie-Française en 1945. Une dizaine d'années plus tard, elle prend la direction du théâtre de la Renaissance. Elle y produit des pièces d'auteurs contemporains, notamment celles de Jean-Paul Sartre.

Une participation au challenge seconde guerre mondiale



Un livre lu grâce à l'opération Masse critique de Babelio, merci à eux et aux éditions Serge Safran pour cette découverte:
Berenice 34-44 par Isabelle Stibbe
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