Pour faire suite aux articles biographiques consacrés à Marie Dorval, retour sur quelques uns des épisodes marquants de sa carrière, et aujourd'hui, son premier grand succès : Les deux Forçats.
A l'automne 1822, au théâtre de la Porte St Martin Marie Dorval fut remarquée dans ce mélodrame en 3 actes et à grand spectacle. Les journaux saluèrent sa noblesse, sa dignité et soulignaient en elle " une qualité bien au dessus des scènes de boulevard. "
Galerie historique des acteurs du théâtre français : "Le rôle de Thérèse dans les deux forçats, en octobre 1822, attira sur elle l'attention du public, frappé par la vérité de son jeu et grâce à sa principale interprète, ce mélodrame, assez médiocre, obtient un succès de vogue".
Le courrier des spectacles : "Mme Allan-Dorval s'y fait surtout remarquer par son talent que peuvent envier les scènes plus élevées. Cette actrice intéressante déploie une âme, une sensibilité qui arrachent les larmes à tous les spectateurs. Et ce qui assigne à Mme Dorval un rang très distingué parmi les actrices de nos théâtres, c'est que la flexibilité de son talent se prête à des rôles dont elle semblerait exclue par sa jeunesse, et qu'elle peut parcourir avec bonheur plusieurs emplois différents. Combien d'actrices de la rue de richelieu et du faubourg Saint-Germain ne peuvent remplir leur emploi même convenablement! Qu'elles viennent quelques fois au théâtre de la Porte Saint-Martin!
Quelle était donc cette pièce qui lui valu la reconnaissance du public et des critiques?
Les Deux Forçats
ou la Meunière du Puy-de-Dôme
Mélodrame en 3 actes
d'Eugène Cantiran de Boirie, Pierre Carmouche et Alphonse André Véran
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Création le 3 octobre 1822 : Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris)
Musique originale |
Alexandre Piccinni
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Interprétation |
Philippe
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Dugy
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Moessard
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Marie Dorval
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Signol
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Fiacre Defresne
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Pierson
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Sidonie
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Production
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Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris) |
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Marie Dorval Les deux forçats |
M. Philippe et Mme Allan-Dorval, dans les
deux forçats Acte III, scène XI :
François. Eh bien oui, je fuirai, si ton repos, si ta
volonté l'exigent ; mais tu sauras tout, et j'emporterai ton estime et
ton coeur.
Thérèse. Que veux-tu dire? ... Parle... Achève... Mais
surtout ne me trompe pas !...
Histoire de la littérature dramatique. Tome 6 / par M. Jules Janin
Enfin, le 2 octobre 1822, un théâtre du boulevard avait fermé ses portes pour la répétition générale d'un mélodrame intitulé: les Deux Forcats. L'oeuvre était si niaise, et la petite Dorval disait si mal un rôle idiot, que le théâtre abandonnait déjà cette humble nouveauté, et pensait à jouer autre chose. « Au fait, disait-on, la pièce ira bien huit jours (c'est l'argot du théâtre), et dans huit jours nous mettrons à la porte cette mauricaude! »
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Marie Dorval Les deux forçats |
Le lendemain ( telle est la vanité de ces jugements précoces, de ces sages prévisions, et des habiletés de la coulisse), aux premiers mots que disait la petite Dorval, soudain le public, frappé d'étonnement, frémit, écoute et se passionne.
Il admire! il applaudit! il crie! Il venait, tout simplement, d'enfanter la véritable comédienne (et la seule) qui pût mettre au jour les drames à venir.
Désormais madame Dorval existait ! Désormais M. Hugo, M. Alexandre Dumas et tous les autres pouvaient venir. Quelle joie et quelle émeute à la suivre !
Elle était toute une révolution, surtout quand cette révolution dans l'art dramatique s'agrandit et se compléta par le génie et les efforts d'un nouveau venu: Frédérick Lemaître. Amis ! amis ! vous vous rappelez ces merveilleux commencements d'une émotion dramatique dont la France se doutait à peine? En ce temps-là, nous n'avions pas dix-huit ans, et déjà le pressentiment des poésies nouvelles s'emparait de nos têtes bouclées.
Le lendemain de la première représentation des Deux Forçats Auguste Lireux raconte que Marie Dorval arrivant de bonne heure au théâtre, aperçut une longue queue qui débordait jusqu'à la rue de Bondy "Eh bon Dieu dit naïvement la jeune actrice pour qui toute cette foule aujourd’hui ? " " Pour toi petite" [lui répondit celle qui l'accompagnait] "Tu les as tant fait pleurer l'autre soir en lançant "Robert, je veux mourir près de vous" , qu'ils reviennent avec de nouveaux mouchoirs et toute leur parentèle."Et elle disait vrai.
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