Czentowic, champion d'échecs arrogant, esprit borné à outrance, inculte
et étonnamment stupide, occupe le premier plan jusqu'à l'entrée en scène
de Monsieur B.
Dès lors que cet aristocrate autrichien s'intéresse à la partie livrée
entre le champion et les passagers amateurs, la direction du texte
bascule.
Par un effet de symétrie, la narration se transforme en un face à face
tendu entre un esprit brillant et rapide à l'intelligence abstraite et
un cerveau au pragmatisme brutal, incapable de projection véritable.
Mise en scène percutante de la résurrection de la folie, cette nouvelle
oscille entre ouverture et enfermement.
Dans cette avancée implacable de la stupidité destructrice, allégorie de
la victoire du nazisme mais aussi chef-d’œuvre de composition, Zweig
s'intéresse peu à la survie du corps, préférant montrer les réactions de
l'esprit, qui trouve un symbole parfait dans ce jeu éminemment
intelligent mais désespérément stérile.
Publié en 1943, un an après le suicide de son auteur, Le Joueur d'échecs fait figure de testament dans l’œuvre de Zweig.
Mon petit mot
J'ai vu beaucoup d'adaptations de nouvelles de Stefan Zweig au théâtre, et finalement, je n'en ai pas beaucoup lus.
Après mon séjour à Vienne, il était tant d'y remédier!
Par ordre de sortie de PAL (j'en ai plusieurs en réserve!) , plongeons donc dans le monde des échecs !
On y retrouve l'art de la nouvelle chez Zweig, croquer un portrait, une situation en quelques mots clés, pas un mot en trop, un texte lu en une soirée, mais où rien ne manque.
Entre psychologie et histoire, avec cette Autriche sous la coupe allemande, l’enchâssement des souvenirs dans le récit, des personnages complexes, on est tenu en haleine sans difficulté... et même sans connaître grand chose aux échecs!
De la survie à l'addiction au jeu, de la culture face à la barbarie, beaucoup de thèmes finalement en quelques lignes, ravie de l'avoir enfin lu!
Vu au théâtre :
Libellés : lecture autriche, littérature