Photographe de guerre, Étienne a toujours su aller au plus près du
danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à
sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l’ampleur de ce
qu’il lui reste à réapprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une
autre forme de péril.
De retour au village de l’enfance, auprès de sa mère, il tente de
reconstituer le cocon originel, un centre depuis lequel il pourrait
reprendre langue avec le monde.
Au contact d’une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il
peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce
progressif apaisement se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le
fils de l’Italien, l’ami taiseux qui travaille le bois et joue du
violoncelle. Et Jofranka, “la petite qui vient de loin”, devenue avocate
à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage
de mettre en mots ce qu’elles ont vécu.
Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans
l’urgence de la question cruciale : quelle est la part d’otage en chacun
de nous ?
De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l’otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu’on ne trouve qu’en atteignant l’intime de soi.
Mon petit mot
D'abord, il y a le plaisir de retrouver la plume de Jeanne Benameur, délicate et sensible, que j'avais découvert il y a deux ans avec
j'ai vraiment savouré ce nouveau texte, j'en ai volontairement ralenti la lecture, pour mieux laisser tournoyer les mots de l'auteure, m'imprégner de ces phrases, j'aurais pu je le crois noter une citation à chaque page, charmée par cette langue... pas un mot en trop, que de thèmes et d'émotions en si peu de pages!
Et puis il y a les échos avec l'actualité.
Une guerre, ses répercussions sur les civils, les familles, l'attente de l'homme partit combattre ou photographier le conflit, les épouses, les mères demeurées à l'arrière, mais aussi les femmes prises dans le conflit, leurs corps comme enjeu et champ de bataille... et l'après-guerre.
Comment réapprendre à vivre avec ces blessures?
Aucune arme ne protège de la peine du monde.
Les méandres de la psychologie, les valeurs refuges, la nature, les arbres, les oiseaux, le cours d'eau, les amis, le retour à l'enfance, à la mère, aux racines, un livre qui fait réfléchir et qui fait du bien.
Régénération, transformation, empathie, de quoi retrouver un peu de confiance en l'humanité à travers pourtant la pire des situations : la captivité, n'être plus qu'une monnaie d'échange, la vision des crimes atroces de la guerre, les combattants déshumanisés... de nombreux personnages me resteront je pense longtemps en mémoire, cette femme et ses enfants sur le trottoir, ce vieil homme et sa servante, et le trio d'amis... marquants et touchants...
Ceux qui ont tué, violé, massacré, par quoi leur pensée d'homme était elle prise en otage ?
Au-delà de ce cas particulier, c'est à une réflexion plus large que nous sommes conviés, à travers ce roman polyphonique et au fil des parcours des différents protagonistes : de quoi chacun de nous est-il otage? De sa famille, de sa situation sociale, de la peur de l'inconnu... de quoi s'interroger sur nos vies.
Comme dans Laver les ombres, la musique à aussi une place importante dans ce texte, le piano, la flute, et le violoncelle, pour se recentrer, s'isoler, reprendre son souffle, envelopper les corps, caresser les âmes et se réouvrir aux autres... une lecture à prolonger par l'écoute du Trio pour flûte, violoncelle et piano en sol mineur, op. 63 (1819) de Carl Maria von Weber.
Et en prime, je trouve magnifique la photo de couverture!
Bref, un livre à découvrir!
Dans le cadre de Un livre sélectionné par Noukette, très bon choix, et merci à Priceminister pour cette opération!