À la campagne, dans le domaine de la Générale Anna
Petrovna, jeune veuve accablée de dettes, c’est la fin de l’hiver : la
lumière revient, on attend Platonov.
Dans cette maison où chacun négocie ses petits compromis avec
l’existence, on parle, on dit qu’on s’ennuie pour ne pas dire qu’on
désire aimer ou se détruire.
Alors on rit, on boit, on rôde, on pleure, on dit ses
inaccomplissements, on se raccroche à l’amour, on devient fou dans la
nuit, on se hait, on se méprise soi-même, on rêve d’une vie nouvelle, on
se tue, on tue.
Platonov sonne comme une évidence dans le parcours du
Collectif Les Possédés, qui propose un théâtre de l’immédiateté, inventé
au présent, dans un aller-retour permanent entre le rôle et
l’interprète, le dehors et le dedans. Cette subtile jonglerie de
l’acteur, entre incarnation et distance, résonne avec l’écriture de
Tchekhov, qui, sans les juger, pose sur ses personnages un regard d’une
infinie tendresse : « toutes les vies, toutes les vies… » Les Possédés,
qui invitent Emmanuelle Devos à partager leur aventure, creusent leur
chemin « avec la même colère contre la résignation, le même grand amour
pour se consoler le soir » et proposent, avec la liberté qui les
singularise, leur mise en scène de cette pièce sur « l’échec flamboyant
de la vie. »
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Plaisir de replonger dans la Russie, de découvrir ce texte de Tchekhov que je ne connaissais pas... et qui trouve encore bien des échos avec notre monde d'aujourd'hui, perte de repères, de valeurs, question d'identité, de désirs, de choix de vie, de rapports hommes-femmes, de la place des femmes...fureur de vivre... dégout de la vie...
Plaisir de découvrir Emmanuelle Devos sur scène, en une Générale autour de laquelle gravite une belle galerie de personnages (certains très caricaturaux, mais les thèmes chers à Tchekhov dans la suite de sa production littéraire sont déjà en grande partie là) et qui à elle seule vaut d'aller voir ce spectacle.