Les Caprices de Marianne MUSSET / BÉLIER-GARCIA CDRT

Théâtre Olympia mars 2015

Un jeune homme aime une jeune femme. Celle-ci est mariée et ne sort de chez elle que pour aller à l’église.
Alors il demande à son meilleur ami de plaider sa cause auprès d’elle.
C’est la plus vieille histoire du monde ; c’est le plus jeune des poètes. À 22 ans, Musset compose ses variations sur le thème du triangle amoureux. Mais il transforme l’exercice en faisant le choix de l’économie : il livre une pièce nerveuse, rythmée, trouée d’ellipses, et invente trois personnages (Coelio, Marianne, Octave) dont le pouvoir de fascination comme les opacités restent intacts. 
Cette liberté d’invention fait avant tout des Caprices de Marianne le caprice de Musset, au sens musical ou pictural : une oeuvre de caractère fantasque et inattendu, tantôt légère et tantôt macabre – une comédie dans laquelle le sang n’est jamais loin.

C’est sous le signe de la jeunesse que Frédéric Bélier- Garcia place cette pièce rebelle, ce « requiem pour un monde trop vieux ». Il lance ses dix comédiens dans le portrait d’une génération sacrifiée, pour qui les combats et l’engagement appartiennent au passé, et dont la fureur de vivre et les désirs se fracassent contre leur siècle de vacuité et de désoeuvrement.
Le leur ? Le nôtre ?

 
de Alfred de Musset (version de 1833)
mise en scène Frédéric Bélier-Garcia

avec
Sébastien Eveno  : COELIO
Denis Fouquereau  : TIBIA, valet de Claudio
Jan Hammenecker : CLAUDIO, juge
 Laurence Roy en alternance  : HERMIA, mère de Coelio
David Migeot  : OCTAVE
Yvette Poirier  : CIUTA vieille femme
Sarah-Jane Sauvegrain : MARIANNE, femme de Claudio

lumières Roberto Venturi  décor Jacques Gabel assisté de Morgane Baux
costumes Catherine Leterrier assistée de Elise Cribier-Delande
création musicale Vincent Erdeven  collaboration artistique Caroline Gonce
création sonore Jean-Christophe Bellier 
collaboration au jeu Justine Moulinier
artistes de complément Jean-Pierre Prudhomme, Lucie Collardeau, Olivier Blouineau
Octave et Marianne
photo


Mon petit mot

 pièce de théâtre en deux actes d'Alfred de Musset, en plein mouvement romantique, Les Caprices de Marianne paraissent en 1833 dans La Revue des Deux Mondes avant d'être créés à la Comédie-Française le 14 juin 1851.

Du même menteur en scène ,Frédéric Bélier-Garcia, j'avais apprécié
il y a quelques temps, j'ai été ravie de retrouver son travail dans ce Musset.

Tout commence par un questionnement quasi- philosophique (extraits des questionnaires de  Max Frisch)  adressé au spectateur, les regrets, l'amour, la vie, la mort, de quoi entrer dans l’œuvre en un instant, et oui, que d'échos l'on peut toujours y trouver dans nos vies....

Et puis le rideau se lève et nous voilà placés sur les pentes du Vésuve, un décor accidenté, des villas antiques ou baroques d'après éruption, les cierges d'une église, qu'est ce qui va renaître de ces cendres? Un embrasement des passions? Une réplique violente au cataclysme ?

C'est carnaval. Un carnaval triste. Mélancolie, désenchantement, décadence...  oisiveté... se tourner vers la religion, les "conduites à risques" (alcool, débauche) ou la quête d'un amour impossible, quête vouée à l'échec dès le départ, ressemblant fort à un suicide programmé...?
 mourir d'amour ou d'ivresse... Mais est-ce vraiment de l'amour? Qu'en pense la femme courtisée?... 
Ils sont trois hommes à lui tourner autour, mais l'un d'entre eux se préoccupe -t-il de ce qu'elle peut penser, ressentir, désirer?  Qui peut l'aider, qui peut la comprendre? Elle en appelle même brièvement à sa mère. Bien seule, cette Marianne.

Et tout à coup, au détour d'une réplique de Marianne, et des choix de la mise en scène, je redécouvre ce texte que je croyais connaître, et si son couple avec Claudio n'était pas si malheureux que cela? Et qu'en est-il finalement des sentiments de Coeilo? Et ses réflexions sur la femme, des accents féministes qui résonnent juste...

Bref, des sentiments complexes, des interrogations,j'ai apprécié cette représentation!

extrait:
MARIANNE.—  Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m’arrive : il est décrété par le sort que Coelio m’aime, ou qu’il croit m’aimer, lequel Coelio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse. La jeunesse napolitaine daigne m’envoyer en votre personne un digne représentant chargé de me faire savoir que j’ai à aimer ledit seigneur Coelio d’ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. Si je me rends, que dira-t-on de moi ? N’est-ce pas une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l’heure convenue, à une pareille proposition ? Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt et faire de son nom le refrain d’une chanson à boire ? Si elle refuse, au contraire, est-il un monstre qui lui soit comparable ? Est-il une statue plus froide qu’elle, et l’homme qui lui parle, qui ose l’arrêter en place publique son livre de messe à la main, n’a-t-il pas le droit de lui dire : vous êtes une rose du Bengale sans épines et sans parfum ?

A méditer également, le Questionnaire de Max Frisch, quelques extraits (vous avez quatre heures!) :


Qui auriez-vous préféré ne jamais rencontrer?

Quel âge aimeriez-vous atteindre?

Aimez-vous quelqu'un?
Et qu'est-ce qui vous amène à cette conclusion?

A supposer que vous n'ayez jamais tué personne: comment expliquez-vous que vous n'en soyez jamais arrivé là?

Que vous manque-t-il pour être heureux?

De quoi êtes-vous reconnaissant?

Savez-vous en règle générale ce que vous espérez?

Combien de fois faut-il qu'un espoir déterminé ne se réalise pas pour que vous abandonniez l'espoir en question, et y parvenez-vous sans concevoir immédiatement un autre espoir?

Quel espoir avez-vous abandonné?



Dans les cadre des challenges

 et du RDV de
Sophie des BavardagesdeSophie

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