Entre ciel et terre, au septième étage d'un hôtel de luxe,
le Splendid's, sept gangsters rejoints par un policier en rupture de
légalité défient l'ordre public : ils ont enlevé dans les salons la
fille d'un millionnaire américain et réclament une rançon. Dans un
moment d'inattention, l'un des bandits a malheureusement serré de trop
près l'otage qui a «succombé par erreur». Pour sauver la situation et
retarder l'assaut des forces de police, le chef du gang prend alors une
résolution héroïque : il décide de faire lui-même une apparition, revêtu
de la robe de bal de la jeune fille (éventail, dentelles, paillettes),
sur les balcons du palace.
Telle est la trame de cette fausse pièce
policière qui vire avec le plus grand naturel du roman noir au numéro de
travesti, oscille entre le drame métaphysique et le gag et, plus
ouvertement que les autres œuvres de Genet, est de part en part
traversée par un rire.
Jean Genet écrit la pièce Splendid’s en 1948. Il promet son œuvre au Théâtre des Mathurins puis à la radio et finalement renoncera à la faire publier ou jouer. Conformément à sa volonté, son éditeur ne fera connaître Splendid’s qu’après sa mort.
La présentation du spectacle
Spectacle en anglais surtitré en français
Avec Stephen Barker Turner, Jared Craig, Xavier Gallais, Ismail Ibn
Conner, Rudy Mungaray, Daniel Pettrow, Timothy Sekk, Neil Patrick
Stewart
Décor Riccardo Hernandez, lumières Scott Zielinski, collaboration
artistique et travail chorégraphique Damien Jalet, son Xavier Jacquot,
costumes José Lévy, traduction anglaise Neil Bartlett
Au 7ème étage du Splendid’s, sept gangsters ont pris en otage la
fille d’un millionnaire. Lorsqu’elle est accidentellement étranglée par
l’un d’eux, il faut, pour repousser l’assaut imminent de la police et
leur mort certaine, faire croire que la jeune femme est toujours
vivante. Johnny, le chef de gang, s’habille alors avec la robe de soirée
de l’otage et se montre au balcon…
L’intrigue pourrait être celle d’un film noir américain. Rien de
réaliste pourtant chez Genet – il s’agit toujours, pour le poète
malfrat, de trahir et de transgresser pour accéder à un geste et une
langue authentiquement poétiques. Le fait divers devient ainsi
cérémonie, avec pour marque suprême le travestissement. Et la frontière
vacille entre rêve et veille, réel et illusion…
Pour cette pièce, apparemment la plus hollywoodienne de l’auteur,
Arthur Nauzyciel fait le choix de travailler avec une équipe d’acteurs
américains, et prend avec eux l’écriture de Genet à bras le corps – et
en anglais.
La langue traduite met en avant l’étrange parole de ces hommes aux noms de criminels d’opérette ;
l’inversion du sous-titrage révèle les zones inconnues, enfouies, de
la poésie de Genet. Le metteur en scène poursuit ainsi sa recherche
esthétique entre théâtre et cinéma, non pour reprendre les recettes du
polar américain, mais bien pour trouver un théâtre inconnu propre à
s’incarner en danse de mort.
Mon petit mot
La représentation commence par la projection du film Un chant d'amour réalisé par Jean Genet en 1950.
Erotique, longtemps diffusé uniquement dans la clandestinité, il met en scène des prisonniers et leur gardien .
Une prison, des portes, un judas... virilité, homosexualité, fantasmes.... ou comment plonger les spectateurs dans l'univers de l'auteur...
L'enchaînement avec la pièce se fait tout naturellement. Du film muet à la pièce jouée en anglais et sous-titrée (à l’exception de la voix de Jeanne Moreau à la radio) , l'image prime, très cinématographique elle aussi, et le décor de l'hôtel et de ses nombreuses portes fait écho au décor (que j'ai trouvé très réussi) de la prison. On retrouve les corps des hommes, les tatouages, dans un ensemble qui est très chorégraphié et tient presque par instant du ballet.
Et puis arrivent des questions qui résonnent (hélas ) avec l'actualité... des preneurs d'otages cernés par la police, un assaut... le comportement dans les dernières minutes avant l'inéluctable... résister, trahir, être lâche et toujours le désir... bon, je vous avoue que j'ai eu un gros coup de barre au beau milieu... avant de raccrocher au final!