Marthe vit à la ferme avec ses parents et son frère
Léonce. Le père est mutique et violent, mais l’amour de la mère,
l’enfance de Léonce et la chaleur des bêtes font tout le bonheur de
vivre.
À seize ans, elle rencontre Florent et découvre que les corps
peuvent aussi être doux. Deux ans plus tard, le drame survient. Les
fleurs sont piétinées, mais la catastrophe laisse intacts l’amour du
petit frère et celui des mots.
Une histoire bouleversante et
charnelle, une langue d’une puissance étincelante : la voix de Marthe,
musicale et nue, accompagnera le lecteur pour longtemps.
« Je voulais une mère avec des épaules pour poser mes joues
brûlantes. Je voulais un père avec une voix pour m’interdire de faire
des grimaces à table. Je voulais un chien avec un passé de chat pour ne
pas oublier qui j’étais. [...] Je n’ai pas eu tout ce que je voulais
mais je suis là, avec mes zéros, ma vie soldée du jour qui vaut bien ma
vie absente d’avant. Je tombe rond ; mon compte est bon. »
Notre ferme n’est pas grande, mais c’est notre ferme. Nous y vivons à
quatre, toutes les chambres nous vont, retournées ou rangées. Quand la
neige avale nos pelles, j’apprends à coudre sur une machine ajustée à
mes doigts, d’où naissent de longues robes dessinées sans faiblir. Avec
mes aiguilles, je m’installe avant la traite face au jardin brouillon
entrelacé de coloquintes. Ma machine à coudre est une Singer offerte par
Maman, la rigueur de mes points en dépend. J’ai toujours un vêtement
sur le métier, un velours à bâtir, un ourlet à marquer. J’aime habiller
Maman, l’inviter dans ma chambre, recevoir son miroir, couvrir ses
cicatrices.
De ce court texte, ce qui frappe au premier abord, c'est la langue, de la poésie qui fait mouche, qui fait mal. Car l'histoire est tragique. Violence conjugale, violence sur les enfants. Jusqu'au pire. Des mots qui s'enroulent et se déroulent et permettent de dire des choses terribles... sans en avoir l'air... sous les fleurs, le sang... Il y aussi l'importance des livres pour tenir la tête hors de l'eau, et d'Eschyle en particulier et les échos à la tragédie grecque.
Bref, un premier roman pour lequel il n'est facile de trouver des mots tant ceux de l'auteur vous trottent en tête. Un livre lu d'une traite pour savoir comment tout cela allait finir, et que je relirai avec plaisir pour encore mieux apprécier la langue, et parce que désormais, je sais quand l’héroïne l'a écrit, à destination de son frère, et depuis quel endroit.Et un livre qui donne en prime envie de se replonger dans les auteurs grecs.