Présentation:
Dossier- pédagogique
La Seconde Guerre mondiale a souvent nourri les projets scéniques du directeur du Théâtre National de Nice. « Intrigué, choqué, violenté » par cette fracture de l’histoire, Daniel Benoin se propose aujourd’hui d’en explorer une nouvelle fois les méandres, par le biais d’une œuvre abordant le thème de l’épuration. Des Jours et des nuits à Chartres, du dramaturge et romancier suédois Henning Mankell (auteur ayant acquis une renommée internationale grâce aux enquêtes de l’inspecteur Kurt Wallander) revient sur le destin d’une certaine Simone, jeune femme tondue et publiquement humiliée à la libération pour avoir entretenu une liaison avec un soldat allemand. Le photographe Robert Capa immortalisa l’image de cette femme avançant dans une des rues principales de Chartres, l’enfant né de cet amour dans les bras, vilipendée par la foule qui la suit jusqu’à la prison dans laquelle on va l’enfermer dans l’attente de son procès. Parmi les gens figurant sur la photo, beaucoup souhaitaient l'exécution de Simone. Si elle y a échappé, c'est grâce à l'éthique des dirigeants chartrains de la Résistance, qui s'opposaient à tout lynchage.
Au centre du cliché, Simone Touseau, jeune femme de23 ans, complètement rasée, porte son bébé dans
les bras. On lui a brûlé le front au fer rouge. Au premier plan sur la droite, le père de Simone, Georges Touseau, chemine avec béret et baluchon. Derrière lui, marche Germaine Touseau, son épouse, dont on distingue la tête, tondue elle auss Simone ne fut pas exécutée. Mais elle fut condamnée. Elle mourut dans les années 60, détruite par l'alcool
Retour en arrière : En 1941, baccalauréat en poche, Simone a obtenu un emploi d’interprète dans les services allemands d’occupation, elle tombe amoureuse d'un soldat allemand. Fin 1942, le soldat est muté sur le front de l’Estsoviétique. Quand Simone apprend qu’il a été blessé et ramené en convalescence dans sa Bavière natale, elle n’hésite pas à s’engager comme travailleuse volontaire à Munich, où elle retrouve effectivement son amant en septembre 1943. Et où elle tombe enceinte..., ce qui lui vaut d’être rapatriée en France fin novembre 1943. Son "fiancé" allemand mourra sur le front est.
C'est le rapport entre Robert Capa et cette photo qui est l'objet de la pièce. On raconte à la fois l'histoire de la photo et puis le regard que peut porter le photographe sur la scène qu'il immortalise.
Capa est juif hongrois, né à Budapest en 1913, à 23 ans, il rejoint l'Espagne dès le début de la guerre civile. Il y fait les clichés que l'on connaît, dont le plus célèbre, Mort d'un militant, lui apportera la renommée. En 1938, il couvrela seconde guerre sino- japonaise et, en 1944, il est le seul photographe présent lors du débarquement allié en Normandie. Il meurt en 1954, en sautant sur une mine pendant la guerre d'Indochine
Mon petit mot:
Passer du rire du
Barbier de Séville vendredi soir dernier à cette pièce, on sait dès le départ que l'émotion ne va pas être le même (même si deux trois répliques allègent l’atmosphère!).
L'histoire de Simone a été romancée, mais l'essentiel des faits est là, le théâtre se glisse à la fois dans la grande Histoire et dans la petite (je repensais ensuite au très fort
Repas des fauves vu l'année dernière) et dans une histoire intime, qui ne peut que continuer hélas à nous faire réfléchir, tant il suffit d'écouter un bulletin d'information pour trouver des échos un peu partout dans le monde.
Collaboration, épuration, drame intime, relation amoureuse franco-allemande, divergence de points de vue au sein des résistants, relation familiale, la guerre vue de Chartes, la pièce se compose et se décompose au fil à la fois des réflexions du photographe et de flash-back dans l’histoire de Simone, avec une multitude de changements de décors aux allures de prises de vues, qui isolent, qui recadrent la partie de scène laissée à voir. Le photographe traque les images et la lumière comme le chasseur ou le soldat leur proie, le déclic de l'appareil photo en écho à celui des armes, et c'est aussi la réflexion sur ce métier de reporter de guerre, sa responsabilité face à ses prises de vue qui s'ouvre. Bref, on (enfin je!) en sort peut-être plus pensif qu'ému, et avec des noms de jeunes comédiens à retenir!
Ambiance coulisses au
CDR de Tours: