Marie Dorval 4 (après 1843)

Dernière partie des articles biographiques de Marie dorval

après:
- Marie Dorval 1 les débuts

- Marie Dorval 2 vers 1830, premiers succès et entourage:  Vigny Sand

Marie Dorval 3 les années 1830-1840, la comédie française, les tournées en province, Angelo, Hernani, Cosima...

   Marie Dorval : rôles des années 1843/47 Lucrèce , Louise,  Agnès, Augusta...

Lucrèce 

Marie Dorval  joue en 1843 Lucrèce de François Ponsard  au  Théâtre de l'Odéon. Une oeuvre considérée comme marquant la fin de la période du romantisme. Marie Dorval avait été un des phares de ce mouvement, elle participe ainsi au tournant littéraire de ce milieu XIXème.
Marie Dorval Lucrèce

"L'ouvrage marque une date importante dans l'histoire du théâtre français, non par sa valeur intrasèque, mais parce qu'elle fut, en pleine période romantique, un retour au classissisme et servit d’étendard à la réaction littéraire" (Dict. Des Oeuvres)."22 avril 1843. L'Odéon fut plein à craquer. Ce fut un triomphe. "C'est du Corneille retrouvé, avait écrit Sainte-Beuve, du Romain pur et primitif". Et Lamartine : " C'est un vrai poète qui se lève !". Ce furent Mme Dorval et Bocage, vétérans du drame romantique, qui tinrent les principaux rôles" La jeunesse du quartier Latin tout particulièrement, est séduite par la pièce qui sera jouée plus de quarante fois en ce printemps 1843. 



Le Théâtre Et la Société Française de 1815 à 1848:


 Lucrèce, par M. Ponsard. Brute : Bocage ; Lucrèce : madame Dorval ; Dernière scène de la tragédie de Lucrèce
Marie dorval Lucrèce
 Le succès de Lucrèce dans la presse
Dans les bijoux de Marie Dorval après sa mort, on trouve
Une bague et une broche données par Ponsard en souvenir de Lucrèce.
Pendant la fermeture estivale de l'Odéon, elle reprend une fois encore Antony et la Tour de Nesle à la Porte-Saint-Martin, mais aussi une création : Lénore d'Henri Blaze, où elle interprète le rôle d'une jeune fille de seize ans, ce qui ne pouvait manquer de faire sourire et ce qu'elle reconnaissait elle-même. Mais faute de mieux, c'était toujours un contrat. Elle n'en avait pour autant pas moins préparé comme toujours son rôle avec soin demandant au baron de Rotshild l'accès à sa collection pour étudier "la physionomie, la pose et le costume de Lénore" dans une toile qu'il possédait d'Ary Scheffer. 

Lénore Ary Scheffer
 A la rentrée, Lucrèce est reprise à l'Odéon, avec un changement dans la distribution puisque Marie Dorval est passée du rôle de Lucrèce à celui de Tullie qui convenait peut-être mieux à son tempérament mais une maladie l'empêche d'assurer plus d'une vingtaine de représentations.
Toujours à l'Odéon , elle crée fin décembre 1843 "La duchesse de Châteauroux", de Sophie Gay, qui ne trouva pas grâce devant les critiques et disparut de l'affiche au bout de trois représentations seulement.

Les petits-enfants
Mais vient de naître son petit fils, Georges, et l'essentiel de son bonheur est là.
Un repli autour du cercle familial semble s'opérer, religion, famille, cette naissance marque un net changement des priorités, des premiers ennuis de santé en 1844 qui vont la tenir plusieurs fois alitée vont également contribuer à ce repli.
Une petite Marie naîtra ensuite, et leur grand-mère jouera bien souvent comme elle l'écrit à George Sand les "bonnes d'enfants" "J'adore mes petits-enfants, Marie est une petite princesse, jolie à croquer. George est devenu beau comme un astre, et charment, avec de beaux chevaux blonds bouclés. Son nom lui porte bonheur". 


Jane, dans Marie Tudor 
Fort de ces derniers succès, l'Odéon  rêve de reproduire le choc de la confrontation de deux grandes actrices comme cela avait été le cas entre Mlle Mars et Marie Dorval pour Angelo. Il s'agit cette fois de réunir Marie Dorval et Mlle George qui l'avait privée autrefois de plusieurs rôles à la Porte-Saint-Martin. Les deux comédiennes acceptèrent toutes deux le défi, autour de Marie Tudor d'Hugo, avec le rôle de Marie d'Angleterre pour Mlle George et de Jane, l'orpheline qui dispute à la reine le cœur de Fabiano pour Marie Dorval.La première a lieu le 12 janvier 1844.
"Tournoi curieux, joute brillante, où la victoire n'a été à personne, où les deux rivales ont été accablées de couronnes qu'elles se sont ensuite fraternellement partagées" conclut la Revue et gazette des théâtres. 

La comtesse d'Altenberg
Marie Dorval continue à jouer à l'Odéon ensuite, dans La comtesse d'Altenberg, en mars, dans le rôle d'une mère prête à sacrifier sa vie pour préserver l'honneur de sa fille. 
La Chronique "Un nouvel emploi s'ouvre pour Mme Dorval, celui des mères belles encore, mais belles de la seconde beauté des femmes [...] Les applaudissements ont interrompu le dernier acte presque de phrase en phrase." 
Gérard de Nerval dans l'Artiste : "Mme Dorval a retrouvé là un de ces rôles où elle est parfaite[...]se met tellement dans la situation que souvent il lui échappe des expressions sublimes de mère et d'épouse outragée."
Et pourtant, en dépit du succès, son contrat avec l'Odéon qui expirait fin avril, n'est pas renouvelé , le théâtre se lançant dans des travaux pour monter une Antigone.
C'est donc vers la porte Saint-Martin que Marie Dorval se retourne à nouveau, où elle reprend une fois encore ses succès d'autrefois tout comme lors d'une courte tournée à Dôle, Châlons-sur-Marne, Mâcon.

Louise Bernard

Elle y reprend Louise Bernard,de Dumas père, Leuven et Brunswick

Janin, Jules (1804-1874). Histoire de la littérature dramatique  "Même dans les drames oubliés de M. Alexandre Dumas, et dont lui-même il ne se souvient plus sans doute, on retrouvera, plus tard, en les cherchant avec beaucoup de zèle et d'attention, des scènes puissantes. Je me rappelle une certaine Louise Bernard, la fille d'un menuisier, séduite par le roi Louis XV; un rôle fait pour madame Dorval, et madame Dorval s'y montrait bien touchante. Elle n'était pas jolie, elle n'était plus jeune, même en ses beaux jours, mais elle avait le charme, et le charme allait jusqu'à la séduction, lorsqu'elle se montrait en simple cornette : Cotillonsimple,et souliers plats, les cheveux sans poudre et le visage sans fard; et quelle grâce elle avait dans ce négligé, dans ce costume à peine attaché avec une épingle, toujours prêt à tomber, laissant entrevoir tantôt un bout d'épaule, et tantôt un autre bout, et l'épaule était fort blanche. On avait vu, rarement, une nudité aussi coquette, aussi décente que celle - là. C'était le grand art de madame Dorval ; elle savait tout, elle savait même au besoin être belle, et le grand talent de M.Alexandre Dumas, c'était do mettre en oeuvre cette beauté, cette intelligence en lumière. Avec madame Dorval, il était sûr de réussir; de son côté, madame Dorval n'hésitait pas, quand elle s'appuyait sur ce géant, par qui soudain tout obstacle était franchi, toute vallée était comblée. Otez madame Dorval des drames de M. Alexandre par qui soudain tout obstacle était franchi, toute vallée était comblée. Otez madame Dorval des drames de M. Alexandre Dumas , son drame, aussitôt, perd une grande part de sa force et de son autorité.

Lady Seymour

Lady Seymour  drame en 5 actes / de Charles Duveyrier ; avec Raucourt dans le rôle de Perkins, Marie Dorval dans celui de Lady Seymour et Charles Clarence dans celui d'Arthur Seymour
 Théâtre de la Porte Saint-Martin (Théodore Cogniard), La première, repoussée en raison de l'état de santé de Marie Dorval avait été reportée au 7 février  1845
George Sand s'étonne que son amie fût "si belle et si bonne, si gracieuse et si naturelle dans cette mauvaise pièce".
Les débats [Marie Dorval] est "pathétique, passionnée, touchante et vraie, même quand elle se sert pour entrer dans nos âmes des fausses clés du coeur humain".
Le journal des théâtres "[c'est] une des créations les plus heureuses et les plus brillantes de Mme Dorval". 
Lady Seymour Marie Dorval

C'est à cette période que la rivalité avec Mlle George s'efface, les deux comédiennes retrouvent Marie Tudor pour une représentation au béénfice du comédien Moëssard, et se rapprochent, toutes deux ne sont plus des rivales, mais des victimes d'une nouvelle génération de comédiennes qui les a relégué au second plan. Et c'est ainsi que Mlle George participe à une soirée donnée au théâtre Ventadour le 13 mai 1845, au bénéfice de Marie Dorval qui y reprend Chatterton. Vigny assiste à la représentationet lui écrira ensuite "Jamais vous ne fûtes plus belle dans aucun rôle et dans aucun temps".
A son tour, Marie Dorval participera en aôut à une représentation au bénéfice de Mlle George, pour laquelle elles reprirent Marie Tudor.

Marie-Jeanne (j'y reviendrai dans un article plus détaillé)

De nouveaux ennuis de santé viennent compliquer les répétitions, Marie Dorval recourt aux somnifères pour lutter contre angoisses et insomnies, ce qui lui vaut une grave alerte dont le Coureur des spectacles se fait l'écho le 7 août : "Le monde dramatique a failli perdre une de ses célébrités les plus populaires. Mme Dorval, indisposée depuis quelques jours, avait imaginé de recourir à une décoction de pavots pour retrouver un peu de sommeil. Malheureusement, la décoction étant beaucoup trop forte, [...M. dorval] fut crue un instant en danger de mort. Grâce à des soins assidus, cependant la célèbre artiste an a été quitte pour une crise de 48 heures et son état n'inspire plus aucune inquiétude".
Elle fut toutefois contrainte de reporter la date de la première, qui aura lieu le 11 novembre 1845; puis par suite d'une rechute d'interrompre les représentations de la pièce. 
Coupy "Revenant au drame des boulevards, elle remporta malgré ses forces épuisées , un dernier succès avec Marie-Jeanne, ou la femme du peuple, d’Adolphe d'Ennery, l'histoire terrible d'une femme qui doit abandonner son enfant, enfant dont on lui annonce la mort lorsqu'elle veut le reprendre des mois après, avant de comprendre qu'il a été échangé avec le fils, bien mort celui là , d'une autre femme. Un rôle dans lequel elle fit verser de nombreuses larmes et eut un formidable triomphe en 1845 et 1846 à la Porte-Saint-Martin puis en tournée."
Marie Dorval dans Marie-Jeanne
En février, alors qu'elle envisageait un séjour à Marseille, tant pour y jouer que pour les excellents souvenirs qu'elle gardait de ses deux précédentes tournées dans cette ville, un médecin diagnostique une pleurésie aiguë, avec épanchement.  Le directeur de la Porte-Saint-Martin, Coignard, confie alors le rôle de Marie-Jeanne à une autre actrice.
elle passera quelques temps en maison de repos, avant de, poussée toujours par les mêmes besoins financiers, de reprendre le chemin des répétitions :

Agnès de Méranie


Après de nombreuses conjectures dans la presse sur l'état de santé de Marie Dorval, et sur d'hypothétiques remplacements, Ponsard ayant accepté de reporter la date de création de sa pièce à la fin de l'année 1846, la comédienne pût non seulement assurer les répétitions, mais même assurer en juillet août ses représentations à Marseille avant la création d'Agnès de Méranie.
Son petit-fils George l'accompagna dans cette tournée, où elle joua Marie-Jeanne, Angelo, Les deux forçats, le proscrit, Phèdre...
Elle prolonge ensuite sa tournée dans les villes du sud, mais sa santé s'altère à nouveau, Réné Luguet la rejoint pour les dernières représentations, en octobre 1846 à Béziers avant de commencer à Paris les répétitions d'Agnès de Méranie.
La santé de son époux n'est guère plus florissante, il garde de plus en plus le lit, les familiers désertent peu à peu l’appartement de la rue de Varenne.
Marie Dorval place alors beaucoup d'espoirs en cette création , comme l'écrit Luguet "Jamais madame Dorval ne se sera élevée à une telle hauteur poétique, jamais elle n'aura joué un rôle mieux fait à sa taille, un rôle pathétique, dramatique [....] de reparaitre éclatante, après avoir succombé sous les fatigues de Marie-Jeanne. 
La reine Agnès est la seconde femme de Philippe-Auguste.


Agnès de Méranie Tragédie en 5 actes
de François Ponsard
Création le 22 décembre 1846 : Théâtre de l'Odéon (Paris)
Interprétation Bocage (Philippe-Auguste) Marie Dorval (Agnès de Méranie)

L'ouvrage ne rencontra qu'un assez tiède succès, comme s'en fait l'écho l'artiste "On s'est étonné du désappointement des admirateurs de Lucrèce à l'endroit d'Agnès. C'est qu'il y a une grande différence entre un chef d'oeuvre auquel on ne s'attendait pas et un chef d’œuvre auquel on s'attendait trop". La pièce restera cependant une trentaine de soirs à l'affiche de l'Odéon. 

"Pourtant après une courte hésitation, Marie Dorval a victorieusement surmonté les difficultés de ce rôle ingrat et épineux. A mesure qu'elle saisissait un lambeau d'action, elle ne le lâchait plus qu'elle n'en eût fait jaillir des étincelles. Dans ses scènes avec Philippe-Auguste, avec le légat, avec Guillaume, avec sa suivante, elle a parcouru habilement la gamme des sentiments les plus tendres et les plus exaltés; et quand elle est arrivée à sa scène d'imprécations, au quatrième acte,elle a a déployé une telle puissance d'énergie et de colère, que la salle entière a failli crouler au bruit des applaudissements. » (Courrier français du 28 décembre 1846.) 

Mais la santé de la comédienne continue de se dégrader : 
La Mode "Mme Dorval est toujours cette grande actrice qui sent et dit avec une admirable justesse, mais dans les moments de passion, ses moyens la trahissent, sa voix n'arrive plus que brisée, comme ces cristaux précieux dont on juge la valeur par leurs débris. On éprouve alors en l'écoutant [...] une admiration sincère pour d'énergiques efforts, pour de sublimes élans, pour un talent toujours le même, servi par des organes qui s'affaiblissent, on a mal à la poitrine de Mme Dorval, à force d'émotion et de sympathie".

La gestion de la salle se revèle déficitaire, Marie Dorval est obligée d'aller en justice pout toucher son dû, Vizentini qui prend la succession de Bocage à la tête de l'Odéon le 1er mars renouvèle le contrat de la comédienne jusqu'en mai et remet à l'affiche Marie-Jeanne et Clotilde, avant de lui offrir une nouvelle création : le rôle d'Augusta dans Le syrien.

Marie Dorval dans le rôle d'Agnès par Hippolyte Lazerges
 En reprenant cette pièce en tournée, à Saint-Omer,  Alexandre Dumas raconte un incident qui aurait pu être dramatique
On jouait Agnès de Méranie.
Pour figurer une salle gothique on avait suspendu des trophées au plafond. Ces trophées étaient nature.
Au moment où Dorval entrait en scène, une lance se détacha d’un trophée et lui tomba verticalement sur le front.
Le fer de la lance déchira les chairs et lui fit une blessure grave, qui commençant au haut de la tête se prolongeait entre les deux yeux. Le sang jaillit aussitôt. Dorval porta les deux mains à son visage.
Entre ses doigts et sous ses mains, le public vit couler le sang.
Le spectacle fut interrompu, Luguet l’entraîna hors de la scène, et pendant que le médecin appelé rapprochait les chairs, pour que la représentation pût continuer :
— Mon ami, dit-elle, il faut dire adieu au théâtre; les directeurs me le disent par leur abandon, et voici un présage plus sérieux encore.

Augusta

Le Syrien (drame, 5 actes en vers), par Latour de Saint-Ybars, jouée le 13 avril 1847
C'est le dernier rôle crée par Marie Dorval, à l'Odéon.
Une pièce qui ne suscita guère d'enthousiasme et la fatigue visible de la comédienne est ce que l'on en retient essentiellemen.
Béranger " Mme Dorval était au bout de ses forces. On doutait qu'elle pût reparaître au théâtre".
Elle livre pourtant ses dernières forces dans la bataille :

La revue littéraire : " Augusta déplore les excès de son mauvais fils ; elle bénit l’amour de Marcellus ; elle maudit le crime épouvantable de Sévère, devenu le délateur de son frère : en tout, trois scènes que Mme Dorval joue avec son énergie de lionne blessée."
Coupy  " Mme Dorval a été sublime dans le rôle d'Augusta, noble matrone romaine, dont les derniers jours se passent entre un fils, véritable monstre de lâcheté, de débauche, d'impiété, et un autre fils, modèle de toutes les vertus, et d'un grand et héroïque caractère. II est impossible, mon ami, de vous peindre l'impression qu'a produite Mme Dorval dans la scène elle maudit son mauvais fils, digne complaisant de Néron et délateur de son frère? La salle tout entière s'est levée [...] Un moment j'ai cru que les voûtes de I'Odéon allaient s'écrouler sous les applaudissements, les cris d'enthousiasme qui se sont fait entendre. Mlle Rachel était une des plus ardentes à saluer le triomphe de Mme Dorval»

La fin de la vie de Marie Dorval

Alors que son contrat à L'Odéon n'est pas renouvelé après le Syrien, ne lui reste plus une nouvelle fois qu'à reprendre la route, pour trouver les resssources financières nécesaires à sa famille.Un troisième petit-enfant, Jacques a aggrandi la famille de la rue de Varenne, et le nombre de bouches à nourir par la même occasion.
Elle reprend Marie-Jeanne, sur des petites scènes, en Belgique, où l'accueil n'est guère meilleur qu'à Paris : Le commerce Belge "Le rôle de Marie-Jeanne est un de ceux où la grande actrice peut le mieux dissimuler les ravages des années". Elle joue ensuite à Lille, avant de revenir à Paris où elle doit faire face à une nouvelle déconvenue : c'est à Rachel, que la comédie-française confie ses anciens rôles.
Elle repart alors sur les routes, du midi cette fois, avec la troupe de Théodore Chauloux.
Cette tournée se déroule sans encombre et lui apporte des accueils chaleureux,  elle y est une nouvelle fois accompagnée par son petit-fils, Georges, âgé alors de 4 ans, qui tombe malade à Perpignan, comme on peut le lire dans le Roussillonnais du 4 janvier 1848 : "Mme Dorval jouait dans Charles VII. Elle a eu un succès prodigieux.[...]elle est retenue dans notre ville par suite d'une indisposition dont son petit-fils vient d'être atteint'.

A son retour à Paris, Balzac lui propose le rôle de La Marâtre, une première lecture a lieu, mais l'auteur n'a écrit que le début de la pièce et la fin se fait attendre...
En attendant, elle reprend avec succès Marie-Jeanne au Théâtre historique en avril 1848 :
Le corsaire "Ce sera jusqu'au bout un spectacle magnifique toujours et souvent sublime que de voir Mme Dorval se débattre dans un drame".
Et, par ricochet, le peu de succès de Rachel dans la reprise de Lucrèce à la Comédie-Française, redore aussi le crédit de Marie Dorval à Paris.

Mais un nouveau drame allait marquer la fin de sa carrière et de sa vie : la disparition tragique de son petit-fils Georges, à l'âge de 5 ans, fils de Caroline et René, disparition dont elle ne se remettra pas. Il l'avait accompagné en tournée, il était le centre de sa vie." c'est tout mon bonheur" disait-elle à George Sand.  Et peut-être aussi une certaine culpabilité la gagne-t-elle a l'avoir entraîné sur les routes avec elle. Elle passe ses journées au cimétière Montparnasse, le monde du théâtre ne comprend pas que son chagrin lui fasse renoncer à la Marâtre,  les portes se ferment définitivement à Paris.

Après cette disparition tragique, son gendre René Luguet, continue à lui trouver des engagements en Province, pour tenter à la fois de la sortir de la dépression dans laquelle cette mort l'a fait sombrer, mais aussi parce que les finances familiales sont au plus mal.
Elle écrit à Bénédit : "On me dit que je dois jouer la comédie. Quelle horreur pour moi, croyez-le bien! Mais il faut vivre pour nos autres petits-enfants. Sans eux, mon bonheur serait d'entrer dans une maison de religion pour n'en plus sortir". 
Au théâtre histrorique d'Alexandre Dumas,  elle joue  pour quelques représentations en septembre 1848 : Charles VII chez ses grands vassaux, tragédie en 5 actes, par Alexandre Dumas, dans le rôle de Bérengère qu'elle laissa rapidement à Mlle Rey. .

 Elle fait ensuite une demande pour entrer comme pensionnaire au Théâtre français, demande qui lui est refusée (voir le texte de Dumas).
Elle joue à Orléans, du 9 au 16 janvier 1849, puis à Tours. Réne Luguet l'accompagnait, alors qu'il était sous contrat avec la troupe parisienne du Palais Royal. Sa défection risquant de lui valoir sa place, Marie Dorval interrompt ses spectacles à Tours pour rentrer avec lui à Paris le 30janvier.
Elle écrit alors à Saveste  qu'elle est "obligée de retourner à Tours, où je suis attendue pour jouer dimanche et lundi". c'est dans cette intervalle qu'elle apprend que sa demande est refusée par le Théâtre Français.
Réné Luguet ayant été effectivement renvoyé, il repart à Tours avec sa belle-mère, jusqu'au 12 février,  avant de l'entraîner de ville en ville, Valenciennes, Cambrai, Dunkerque, Saint-Omer...

Marie Dorval continue à ne vivre que dans les souvenirs de son petit-fils et à errer de cimetière en église, ainsi, le 18 janvier 1849, elle se rend au cimetière de la ville de Tours en l’occurrence, par où passait cette dernière tournée,  pour prier pour lui (Orléans, 16 janvier 1849, entendu la messe à la cathédrale note -t-elle également... ) . Elle crée à la crèche Saint-Ambroise un berceau au nom de Georges Luguet. Adèle Hugo évoque à cette occasion la générosité et la piété de Marie Dorval.
Après une quinzaine de jours à Paris, Luguet lui trouve un engagement à Caen. Lorsqu'elle y arrive, après 18 heures de diligence et alors qu'elle doit jouer le soir-même, victime d'un malaise elle doit s'aliter. Elle tombe grièvement malade à Caen où elle ne peut monter sur scène et s'éteint à son retour à Paris à l’âge de cinquante et un ans le 20 mai 1849.
Sa dernière lecture fut La petite fadette de son amie George Sand qui continuera à s'occuper des autres petits enfants de Marie Dorval après sa mort. 
Alexandre Dumas aide ses proches à réunir les fonds pour la faire enterrer aux côtés de son petit-fils au cimetière du Montparnasse et aide Luguet à retrouver des engagements au théâtre.Victor Hugo de son côté,  organise une soirée, à laquelle Rachel participe,  au bénéfice de ses petits-enfants .
une tombe discrète au cimetière montparnasse



Sa fille Louise mourra en 1851 de la tuberculose. 

Alexandre Dumas écrivit quelques années plus tard  "La dernière année de Marie Dorval" sous forme d'une lettre adressée à George Sand,  et même si de nombreux faits sont romancés, elle fait partie de la légende autour de Marie Dorval
Extraits
[...]  Dorval avait trois filles. L’une de ces trois filles, Caroline, épousa René Luguet, et eut un fils ; il reçut au baptême votre nom, ma sœur ; il le reçut en mémoire de vous, — on l’appela Georges.
Cet enfant était une merveille de beauté et d’intelligence, une de ces fleurs pleines de couleur et de parfum qui s’ouvrent au dernier souffle de la nuit et qui doivent être fauchées à l’aurore.
Vous avez dit les douleurs de Dorval vieillissant, vous avez montré la femme à la robe noire ; elle eut une robe couleur du ciel, la pauvre grand-mère, le jour où lui naquit cet enfant.
C’était, en effet, pour elle qu’il était né, et non pour son père et sa mère ; elle le prit dans ses bras le jour de sa naissance, et le garda en quelque sorte dans ses bras jusqu’au jour de sa mort.
 [...]
Une heure après, la fièvre cérébrale se déclarait de la manière la plus terrible, et après onze jours d’agonie, le 16 mai 1848, l’enfant rendait le dernier soupir[...] C'était le commencement de l' agonie de Marie [...]
On la trouvait sans cesse agenouillée sur ce canapé, près de ce berceau, parlant à Georges comme s’il était là, ou bien encore lui demandant où il était ; [...]Un jour, Dorval, sortie le matin, resta dehors toute la journée. [...]À partir de ce moment, cette sortie se renouvela tous les jours, et comme tous les jours elle sortait et rentrait à la même heure, on s’était, dans la maison épuisée de forces, arrangé de cette absence, qui rendait à tout la monde un peu de calme.[...] Luguet résolut de savoir où elle allait; il n’y avait pour cela qu’à la suivre. Elle avait acheté un pliant. Elle l’avait fixé à la grille qui entourait la tombe du petit Georges par une grosse chaîne et un cadenas, et chaque matin, en hiver, pendant les mois les plus âpres de l’année, elle allait s’installer sur ce pliant avec sa Bible et un ouvrage de tapisserie.
[...]On ne pouvait la laisser mourir de douleur et de froid.
Luguet imagina un voyage, et partit avec elle pour aller donner des représentations à Orléans.
À peine étaient-ils descendus de voiture que Luguet s’aperçut de l’absence de Marie.
Il n’était pas difficile de deviner où elle était. Luguet se fit indiquer le cimetière, et y courut. Dorval avait cherché une tombe d’enfant, et s’y était agenouillée Pendant tout le temps que dura le voyage, elle allait ainsi, soit à Orléans, soit dans toute autre ville, chaque matin, au cimetière, avec une brassée de fleurs qu’elle achetait partout où elle en pouvait trouver. Puis, arrivée au milieu des tombes, elle fermait les yeux, et jetait les fleurs au hasard autour d’elle, en disant à demi-voix et avec le double accent de la prière et de la plainte :
— Pour les petits enfants ! pour les petits enfants !
Marie Dorval

[...] On offrit à Dorval quelques représentations de Marie-Jeanne.Elle accepta. Il fallait bien vivre jusqu’au moment où l’on mourrait.
Elle joua Marie-Jeanne.
Je n’avais pas vu la pièce, je la vis alors.
Je n’oublierai jamais l’impression que me fit cette représentation.
Je ne juge point ici le drame, je ne sais pas ce qu’il est. A-t-il été rejoué ? Je l’ignore, La pièce, c’était Dorval, c’est-à-dire, comme elle me l’avait raconté elle-même, une mère qui a perdu son enfant.
L’accent avec lequel, arrivée devant le tour où son enfant va disparaître, le tenant sur ses genoux comme la Madeleine de Canova tenait la croix, elle disait : — Adieu, mon petit ange, adieu, mon ange adoré, adieu, mon enfant chéri, non pas adieu, au revoir ; va, car nous nous reverrons... oh ! oui, oui, nous nous reverrons !
Oh ! la salle tout entière éclatait en sanglots et en gémissements.
Je me précipitai dans la coulisse après l’acte, je la trouvai exténuée, mourante.
— Entends-tu, lui dis-je, entends-tu comme on t’applaudit ?
— Oui, j’entends, me dit-elle avec insouciance.
— Mais jamais je n’ai entendu le public applaudir une autre femme comme il t’applaudit.
— Je crois bien, me dit-elle avec un indicible mouvement d’épaules, les autres femmes lui donnent leur talent, moi, je lui donne ma vie.
C’était vrai, elle lui donnait sa vie.

Les représentations de Marie-Jeanne eurent leur terme. Dorval disait qu’elle avait toujours espéré, tant que ces représentations avaient duré, mourir un jour sur le théâtre au moment où elle se sépare de son enfant.
Et ce vœu eût certainement été accompli si la pièce eût eu quelques représentations de plus.
Dorval se trouva sans engagement.
C’est à cette époque qu’il faut rattacher le terrible épisode du Théâtre-Français.
Quelques détails qui ne peuvent être consignés dans la lettre de Luguet trouvent leur place ici.
Dorval fit une demande au comité du Théâtre-Français. Elle demandait à être reçue comme pensionnaire à cinq cents francs par mois. Elle jouerait tout, duègnes, utilités, accessoires, et de vive voix elle s’engageait à ne pas grever longtemps le budget de la rue Richelieu.
Elle se sentait mourir.
Le comité se rassembla pour statuer sur la demande, et refusa à l’unanimité !
À l’unanimité, entendez-vous bien ; pas une voix ne répondit à cette grande voix d’artiste se lamentant dans le désert de la douleur.
Pas une main ne s’étendit pour relever cette mère aux genoux brisés.
Pas une !
[...].
Tombe de Marie Dorval, cimetière du Montparnasse



  Dans un journal de l'époque Vert-vert 1839

Janin, littérature dramatique
Je reviendrai ensuite avec quelques grands rôles de Marie Dorval (Kitty Bell...)
mise à jour:

Marie Dorval dans Kitty Bell de Chatterton , drame romantique d'Alfred de Vigny, de la comédie française aux tournées en province
Quitte pour la peur de Vigny avec Marie Dorval-1833
 


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