"Depuis leur apparition en Occident, les
Bohémiens exercent sur les artistes une intense fascination", souligne
Sylvain Amic, commissaire de "Bohèmes" au Grand Palais. "Le mystère de
leurs origines, leur langage longtemps incompréhensible, leur rapport
intime à la nature, leur prétention à dire l'avenir", comme leurs
"apparitions et disparitions soudaines", en font de permanents objets de
fantasme et alimentent l'idéal d'une vie "sans attaches, sans règles,
intense et sensuelle". L'exposition du Grand Palais s'attache à tenir
ensemble ces deux bouts de l'histoire : d'un côté, la présence
permanente et ambiguë des gitans dans la peinture européenne depuis la
Renaissance ; de l'autre, la "vie de bohème", avec ses postures outrées
et ses détresses véritables. L'exposition bénéficie de prêts exceptionnels (
La Diseuse de bonne aventure,
Georges de la Tour, Metropolitan Museum New York,
|
Georges de La Tour (1593-1652) La Diseuse de bonne aventure, vers 1630 |
L’Absinthe,
Edgar Degas, Musée d’Orsay, Paris,
Coin à Montmartre, Vincent van Gogh, van Gogh Museum, Amsterdam,
La Gitane, Van Dongen, MNAM, Paris)
Entre 1400 et 1550, diverses chroniques attestent de l'arrivée de tsiganes (Zingari ou Aegyptos) en Europe.
Ces populations chrétiennes orthodoxes fuient les régions de l'est de la Méditerranée devenues instables avec le recul de l'autorité byzantine et la progression du pouvoir ottoman.
Des familles se sédentarisent particulièrement en Italie et Espagne où les villes les autorisent à exercer leur profession,surtout les artisans du métal (maréchal-ferrant, armurier...). D'autres se spécialisent dans le dressage et les soins aux animaux (chevaux, ours, singes) et louent leurs services de château en château. Des musiciens, jongleurs et acrobates les rejoignent. Ces compagnies de spectacles attirent autant qu'elles suscitent la méfiance des sédentaires et des garants des bonnes moeurs ; les artistes, fascinés, créent l'imagerie des bohémiens, et particulièrement celle de l'Egyptienne, belle et séductrice.
|
La petite Bohèmienne, Boccaccio Boccaccino, l’Ancien, Florence, Galleria degli Uffizi |
En 1842, le journal satirique Le Charivari parle de « Bohème littéraire ». À partir de 1845 Henri Murger romance dans le Corsaire Satan le vécu de ces journalistes, poètes, artistes ; Honoré Daumier, André Devambez ou Gustave Doré le dessinent ; feuilletons et caricatures racontent un quotidien passant de la déception à l'espoir et oscillant entre amertume et ironie. Au milieu du siècle, la Bohème est devenue synonyme d'une jeunesse anticonformiste assumant d'être rejetée.
« Ce mot de Bohème vous dit tout. La Bohème n’a rien et vit de tout ce qu’elle a. L’espérance est sa religion, la foi en soi-même est son code, la charité passe pour être son budget. Tous ces jeunes gens sont plus grands que leur malheur, au-dessous de la fortune mais au-dessus du destin. » (Honoré de Balzac, Un Prince de la bohème, 1844).
« La Bohème, c’est le stage de la vie artistique ; c’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue ». (Henri Murger, Scènes de la vie de bohème, 1851).
J'ai beaucoup aimé la scénographie de cette exposition, l'ambiance créée autour des œuvres.On chemine sur les traces de ces "bohémiens", d'un univers à l'autre, de Léonard de Vinci à Renoir, jusqu'à 1937, et l’exposition de l’art dégénéré à Munich où Tsiganes et artistes se voient rejetés dans un même opprobre. On pense aussi, aux Roms d'aujourd'hui... Des atmosphères très différentes sont crées, de nombreux thèmes abordés, des liens entre la Vierge Marie et la représentation de la bohémienne, aux caricatures du XIX, beaucoup, beaucoup de choses à voir, à lire et à entendre!